Une collectivité territoriale supplémentaire, la commune nouvelle
- Kévin Planterose
- 16 mars 2016
- 5 min de lecture

En France, depuis le 16 décembre 2010 et la promulgation de la loi sur la réforme des Collectivités Territoriales (RCT) est apparu une nouvelle collectivité locale, la « commune nouvelle ». Remplaçant les « communes associées » instituées par la loi Marcellin de 1971, cette nouvelle législation permet aux communes contiguës de se regrouper afin d’optimiser leurs moyens.
La commune, un modèle très français
Créées à la fin de la révolution française, les communes sont confirmées en 1882 par la charte communale comme étant l’organe exécutif à l’échelle supra locale en étant dégagées de la tutelle des préfets. Cependant avec 36 800 municipalités (soit une moyenne de 1800 habitants par commune contre 5500 dans le reste de l’Europe), la France regroupe le tiers des communes de l’Union Européenne. Les faibles moyens financiers à disposition des plus petites d’entre elles avaient déjà poussé l’Etat français à travailler sur un projet de fusion intercommunale avec la promulgation de la loi Marcellin en 1971. Contrairement à d’autres pays européens ayant promulgué une législation similaire, le texte français a eu peu d’effets puisque seulement 1100 communes se sont regroupées entre 1971 et 2009.

En 1999, pour contourner le problème de suppression pure et simple des communes, la loi Chevènement créée les premiers EPCI (Communautés de Communes, Communautés d’Agglomération et Communautés Urbaines). Le but de cette loi est de renforcer l’efficacité de l’action locale par l’intermédiaire du développement de l’intercommunalité. Les EPCI ainsi créés décident de développer en commun plusieurs compétences tout en garantissant l’autonomie des communes membres. Cela est particulièrement vrai pour les Communautés de Commune où le nombre de compétences partagé est inférieur aux échelons supérieurs de l’intercommunalité.
Véritable succès, les EPCI sont aujourd’hui incontournable dans le paysage exécutif français. Cependant il faut attendre le 16 décembre 2010 et la promulgation de la loi RCT pour favoriser l’adhésion de plusieurs communes en une seule. Les « communes nouvelles », nouvelles collectivités territoriales ainsi crées se substituent à plusieurs communes contiguës reprenant le nom et les limites territoriales de l’ensemble des anciennes communes. La création d’une commune nouvelle permet de répondre à certains problèmes propres aux petites communes :
Financiers : en augmentant la capacité budgétaire et en simplifiant la gestion ;
Territoriaux et politiques : plus de représentants au conseil communautaire d’une EPCI ;
Exécutifs : en conservant l’ensemble des compétence
La commune nouvelle, une collectivité territoriale centralisée
L’initiative de ce regroupement peut être pris par les conseillers municipaux ou les conseillers communautaires d’un EPCI ou suggéré par le préfet mais une consultation des électeurs reste obligatoire si les conseillers ne sont pas unanimes sur la question. Une fois créée, la commune nouvelle doit intégrer obligatoirement un EPCI à fiscalité propre dans les six mois (1). Les anciennes communes peuvent devenir des communes déléguées après délibération du nouveau conseil municipal (elles conservent leurs noms et leurs territoires mais perdent le statut de collectivité territoriale). Une commune déléguée se voit attribuer un maire délégué désigné par le conseil municipal de la commune nouvelle (l’ancien maire est désigné d’office maire de la commune déléguée jusqu’aux prochaines élections municipales) qui siège dans une mairie annexe lui permettant de maintenir une assise sur son territoire. En fait le rôle de ces communes déléguées est similaire aux mairies de quartiers dans les villes.
Un maire délégué peut être chargé de l’exécution des lois et des règlements de police et recevoir des délégations de la part du maire de la commune nouvelle. L’urbanisme est donc une compétence transférable à un maire délégué (2). Même si cette compétence ne lui est pas déléguée, ce dernier a un pouvoir consultatif sur certaines décisions ou opérations se situant sur sa commune déléguée
Il émet un avis sur toute autorisation d’urbanisme, permission de voirie délivrée par le maire de la commune nouvelle et au nom de celle-ci en application du code de l’urbanisme ;
Il donne son avis sur tout projet d’acquisition ou d’aliénation d’immeubles ou de droits immobiliers réalisés par la commune nouvelle, ainsi que sur tout changement d’affectation d’un immeuble communal ou transformation d’immeubles en bureaux ou locaux d’habitation ;
Il est informé des DIA (déclarations d'intention d'aliéner) lors des procédures de préemption et est tenu informé des suites réservées.
Quant aux PLU ou cartes communales, les dispositions régies par ces documents restent applicables aux anciennes communes jusqu’à l’approbation ou la révision d’un PLU couvrant l’intégralité du territoire de la commune nouvelle. L’élaboration du document pour la commune nouvelle est engagé au plus tard lorsque l’un des PLU d’une ancienne commune doit être révisée (schéma identique au passage du POS en PLU).
La fiscalité de la commune nouvelle est identique à celle d’une commune classique. Chaque année, le conseil municipal de la commune nouvelle arrête les modalités de répartition des sommes destinées aux « dotations » des communes déléguées. Il s’agit de dotations d’investissement, de dotations d’animation locale et de dotations de gestion locale.
Des résultats décevants
Au 1er janvier 2015, soit 5 ans après la validation de la loi RCT seules 25 communes nouvelles ont été créés sur le territoire national. Afin de convaincre les élus locaux d’adopter ce système, une amélioration de la loi RCT a été voté le 16 mars 2015. Celle-ci prévoit un statut plus souple et adapté aux spécificités des petites communes (3) tout en accordant des dispositions financières favorables si elles sont constituées avant le 1er janvier 2016 :
L’exonération de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) pour 2017, à savoir la baisse programme des dotations ;
La garantie de non baisse de la dotation forfaitaire ;
La majoration de 5 % de la dotation globale de fonctionnement pour les communes entre 1 000 et 10 000 habitants ;
La garantie de non baisse des dotations de péréquation.
En Novembre dernier, la date butoir du 1er janvier 2016 a été reculé au 30 juin 2016 laissant ainsi plus de temps aux élus pour se décider. Selon l’Association des Maires de France (AMF) 54 communes nouvelles ont été créés avant le 1er janvier 2016 et 437 seraient en projet pour un passage avant juin 2016 venant ainsi rejoindre les 25 déjà existantes depuis le 1er janvier 2015. En ne tenant pas compte des projets de communes nouvelles, seulement 242 communes se seraient déjà regroupées…
La France, second pays le plus peuplé d’Europe après l’Allemagne, s’est posé très tôt la question du regroupement des communes. Avec la loi Marcellin de 1971, l’hexagone est la seconde nation à avoir promulgué une loi visant à réduire le nombre de commune. Cependant, bien que plus tardives, les politiques britanniques, belges, suédoises ou néerlandaises ont été plus efficaces que la nôtre. L’expression de Jacques Julliard « le maire moderne ou le présidentialisme communal » représente à mon sens l’échec de la politique nationale de fusion des communes. Se refusant d’obliger ces dernières à fusionner entre elles, (méthode utilisée par les autres pays européens), les décideurs nationaux restent dépendant de la volonté des élus locaux qui voient dans cet acte une diminution de leur autonomie qu’ils ne sont pas prêts à accepter.
Notes :
La commune nouvelle est directement intégrée à une communauté urbaine si l’une de ses communes membres en faisait partie.
Le maire de la commune nouvelle informe le maire délégué des conditions générales de réalisation des projets d’équipement dont l’exécution est prévue, en tout ou partie, dans les limites de la commune déléguée.
Les élus peuvent désormais déterminer eux-mêmes la gouvernance qu’ils souhaitent mettre en œuvre, la place des communes fondatrices et le rôle des maires délégués garants de la cohésion communale. Ils sont aussi mieux représentés dans les conseils communautaires
Références:
Bonus financier : http://www.courrierdesmaires.fr/56014/communes-nouvelles-les-deputes-prolongent-le-bonus-financier-jusquau-30-juin-2016/
Dossier sur les regroupements de communes en Europe : http://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/fusion-des-communes-exemples-etrangers
Tableau :↑ a et b [PDF] « Étude d'impact du projet de loi de réforme des collectivités territoriales(page 46) » [archive], sur http://www.legifrance.gouv.fr [archive], 2010 p. 46
FAQ :
http://www.maires56.asso.fr/wp-content/uploads/2015/06/CommunesNouvellesFAQ.pdf
http://www.amf.asso.fr/upload/fichiers/documents/AMF_12386_NOTE_DE_SYNTHESE.pdf
http://www.mairieconseils.net/cs/ContentServer?pagename=Mairie-conseils/MCBouquetExperience/BouquetExperience&cid=1250266496905
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